Belval engagée sur plusieurs fronts dans la compensation écologique

Au Luxembourg, tout développement urbain doit s’accompagner de mesures de compensation pour assurer le maintien de la biodiversité, équivalentes à des actions de restauration ou de création de biotopes ou d’habitats. Dans le cas de Belval, s’ajoute en 2024 aux parcs existants et à différentes initiatives vertes un enthousiasmant projet agricole utilisant des techniques de maraîchage novatrices. Décryptage avec les collègues d’AGORA Frank Wallenborn et Alexandre Londot, accompagnés des partenaires Margaux Radici, d’ArcelorMittal, Simone Asselborn-Bintz, bourgmestre de Sanem, et Christian Batting, agriculteur.

Article original à retrouver sur Agora.lu.

La compensation écologique au Luxembourg, c’est désormais un passage obligé ?

C’est en effet une obligation légale, en vertu de la Loi concernant la protection de la nature et des ressources naturelles. Cette loi impose en effet la restitution de tout biotope détruit par des mesures de compensation au moins de qualité équivalente. Il peut s’agir de la renaturation d’un fleuve, de la création d’un milieu humide ou de la plantation d’une forêt, par exemple. C’est une manière essentielle de combiner la nécessité du développement économique et démographique avec l’urgence de protéger la nature et les écosystèmes. Au Luxembourg, il y a beaucoup de développement, ce qui met le pays sous pression en matière environnementale et entraîne la destruction de nombreux biotopes. La compensation, dans ce contexte, est une priorité pour nous. Le système de compensation fonctionne selon un système de pointage [1]. À nos premiers bilans biotopes, Belval avait une dette de 2,7 millions de points. Nous avons dès lors entrepris d’intégrer des mesures compensatoires dans nos projets d’aménagement paysager. Et ça continue  !

Frank Wallenborn, architecte chef de projet chez AGORA

Quelles mesures spécifiques ont déjà été mises en place par Agora ?

Si certains aménageurs de quartier contribuent au système des compensations par des dons en argent dans une caisse commune, appelée la « caisse éco-pool », AGORA n’a pas choisi cette voie. Nous avons plutôt réalisé directement des projets verts sur le site de Belval. Dès le début de la conception du quartier, des aménagements tels que le parc Um Belval, la Waassertrap, ou encore le Plateau Saint-Esprit, ont été pensés et réalisés. Pour rappel, le Plateau St-Esprit, qui est toujours en cours de développement, est un espace vert où sont revitalisées, par l’entremise de techniques avant-gardistes, des terres récupérées lors des travaux. Nous en sommes maintenant à implanter des mesures favorisant une forte implication locale, notamment avec des agriculteurs de la région. Nous trouvons important de maintenir des activités agricoles sur le site de Belval. Cela renforce l’engagement d’AGORA envers des pratiques de développement durable et respectueuses de l’environnement.

Alexandre Londot, directeur des opérations chez AGORA

Des pratiques avant-gardistes de maraîchage sont d’ailleus à l’essai dans un projet en développement avec un fermier du secteur. Monsieur Christian Batting, vous êtes cet agriculteur s’apprêtant à démarrer une aventure inédite. pouvez-vous nous raconter ?

Le projet se développe en collaboration étroite avec l’Administration de la nature et des forêts et c’est l’un des premiers de ce genre à être réalisé au Luxembourg entre trois partenaires, l’initiateur, le propriétaire des terrains et l’exploitant. Actuellement, j’élève un cheptel de vaches limousines et je suis essentiellement axé sur l’herbage, après m’être aussi longtemps consacré à la culture de céréales. Nous imaginons maintenant un projet agricole extensif s’étendant sur des terrains m’appartenant ainsi qu’à ArcelorMittal. Le projet a pour but de concilier agriculture et protection environnementale tout en restant économiquement viable. Il inclut l’implantation de vergers, la renaturation de cours d’eau, et une approche agro-environnementale de fauchage tardif sur différents terrains situés en zone plus urbaine. Je préconiserai aussi des ensemencements spécifiques à cette agriculture durable et raisonnée, avec une préparation du sol adaptée.

Christian Batting, propriétaire fermier

En quoi la pratique du "fauchage tardif" est-elle innovante ?

En ne fauchant qu’une seule fois par an, à la fin de la saison, les plantes ont davantage l’opportunité de se développer, de fleurir et de produire des fruits. Les fleurs attirent un grand nombre d’insectes butineurs à la recherche de pollen et de nectar, ce qui est bon pour la biodiversité. C’est une saine gestion des terres agricoles qui s’inscrit dans une démarche adaptative face au changement climatique. Nous envisageons d’introduire progressivement d’autres pratiques et techniques novatrices à mesure que le projet avance.

Christian Batting

ArcelorMittal a mis à disposition une douzaine d’hectares pour ce projet de compensation. Quelles sont les particularités de ces terrains ?

Ils longent un chemin de promenade pour piétons et cyclistes. Grâce à cette compensation, on s’assure que ce secteur de plaisance reste bordé d’un agréable paysage naturel pour longtemps. Monsieur Batting se consacre déjà depuis quelques années à une activité agricole raisonnée sur ces terrains, et la convention que nous avons signée permet de prolonger cette exploitation pour les 25 prochaines années. Nous nous sommes engagés à laisser ces parcelles à disposition, car ArcelorMittal trouve important de s’engager dans une démarche dans laquelle l’urbanisation, ou même la densification des terres, se fait en dialogue avec un développement durable. C’est une facette supplémentaire et originale du modèle luxembourgeois de revitalisation des friches industrielles duquel nous sommes complices depuis plus de trente ans.

Margaux Radici, Head of Real Estate, ArcelorMittal Luxembourg & Germany

Comment ce projet de compensation biotope est-il accompagné par la commune de Sanem  ?

Nous jouons, entre autres, un rôle de médiation entre les parties prenantes. Soutenir cette initiative est essentiel pour nous dans le contexte où la commune, en collaboration avec la région Minett, reconnue par l’UNESCO comme réserve de biosphère depuis octobre 2020. Cela signifie que nous nous engageons à promouvoir la conservation de la biodiversité et le développement durable, mais aussi à sensibiliser les citoyens à ces sujets. Sanem est aussi un membre actif de Pro-Sud, qui orchestre une collaboration entre onze communes sur des questions de durabilité. C’est important, surtout maintenant que l’urbanisation se fait de plus en plus dense. Même si Sanem reste une petite commune, nous pouvons contribuer significativement au développement durable à l’échelle nationale en collaborant avec d’autres municipalités. Tout le pays, voire toute l’Europe, doit s’unir en ces temps de transition climatique. Nous tentons de jouer notre rôle dans ce grand ensemble.

Simone Asselborn-Bintz, bourgmestre de Sanem

Notes explicatives

[1Pour déterminer le bilan écologique est utilisé un système d’éco-points permettant d’établir un inventaire écologique avant mesures de développement. Le bilan établit le rapport entre état initial et état final. Si ce rapport s’établit de manière négative, le projet possède un bilan négatif devant être compensé par des mesures compensatoires. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter le Portail de l’environnement du Luxembourg. Notons aussi qu’AGORA ne calcule pas ses points en fonction du système d’écopool établi par la loi luxembourgeoise en 2018, parce que la réflexion au sujet de la compensation de Belval a commencé avec les instances publiques et des bureaux d’études bien avant la mise en place de la loi. AGORA travaille néanmoins selon des paramètres similaires, qui étaient déjà en vigueur en Allemagne depuis un certain temps.